Interview : Barbara Schasseur pour Net-Journal Essence
Barbara Schasseur, vous avez une formation de psychologue et psychothérapeute, et faites souvent référence à une tradition chamanique brésilienne nommée Umbanda. Pourriez-vous, pour les lecteurs du Net-journal d’Essence, expliquer ce qu’est cette tradition ?
La tradition de l’Umbanda est née au Brésil d’un syncrétisme entres les traditions religieuses africaines, indigènes d’Amérique du Sud et le catholicisme qui en tant que religion imposée a fortement imprégné l’Umbanda de sa philosophie.
Les noirs enlevés d’Afrique en esclavage ont apportés avec eux leurs cultes des Orixas, forces cosmiques qui se manifestent sur Terre dans toutes les expressions de la Nature et constituent par conséquent notre essence. Après leur arrivée au Brésil, les nations africaines ont été dispersées et mélangées. Aujourd’hui au Brésil, il est impossible de faire un rituel pur d’une tradition africaine. Le Candomblé, par exemple, de la nation Queto n’est pas du Queto pur, il contient l’influence des autres nations.
Beaucoup de noirs ont pu s’enfuir dans les forêts et ont été recueillis par les indiens, là il y eu un échange entre les rituels africains et les rituels des indigènes qui pratiquaient un culte aux Esprits.
L’Umbanda est né comme ça. Le catholicisme a apporté le troisième élément, la doctrine chrétienne. L’Umbanda est une religion chrétienne dans sa philosophie et sa recherche spirituelle. Le Kardécisme, qui s’est énormément développé au Brésil, a été la porte au travers de laquelle cet enseignement spirituel s’est manifesté.
L’élément sacré dans l’Umbanda ce sont les Entités, âmes désincarnées d’un plan supérieur qui viennent aider les hommes dans leur voyage sur Terre. Elles viennent travailler sur terre en incorporant des médiums dans le rituel consacré de la « gira ». Ces médiums ont dû suivre, au sein de la tradition, les préceptes et les initiations qui constituent la préparation au développement médiumnique.
Il y a de nombreuses formes de médiumnité et on pourrait dire que la perception médiumnique est un sixième sens nécessaire au développement plein de l’Homme. Dans l’Umbanda la médiumnité servant de canal est la médiumnité d’incorporation. C’est un processus délicat, d’évolution progressive, qui se traduit par une fusion entre le médium et l’Entité.
Ainsi, grâce au travail avec les Entités, l’Umbanda introduit dans la tradition chrétienne le concept de réincarnation et devient une philosophie d’évolution spirituelle qui professe une théorie sur l’évolution des âmes au travers du développement de la Conscience.
Au Brésil, il y a plus de 300 000 centres umbandistes et les autres centres, de tradition plus africaine, sont encore plus nombreux. On les rencontre à chaque coin de rue, petits « terreiro » où se réunissent les fidèles, avec un sol en terre battue, quelques chaises devant un autel dédié à une Entité ou plus fréquemment encore à un Saint catholique. Dés l’entrée, on est pris par la force d’une foi vivante, joyeuse, et pratiquée avec une ferveur naturelle.
Bien sûr, dans la plupart des quartiers pauvres, dans les « favelas », ces centres sont la seule aide que les personnes peuvent rencontrer. Ils apportent une aide sociale en organisant la communauté autour de certaines valeurs spirituelles, comme la Fraternité et l’entre aide. Mais aussi certains centres, dédiés à la guérison au travers des rituels, viennent apporter le minimum d’aide à des personnes qui n’ont pas accès à la médecine occidentale.
Néanmoins expliquer cette force spirituelle en la reliant seulement à la privation et à la pauvreté serait réducteur. Car on trouve des centres dans tous les quartiers. Les brésiliens de toutes les classes sociales les fréquentent et vont facilement chez un médecin ou un psychologue tout en consultant aussi une Entité dans un centre umbandiste.
Certains centres fonctionnent avec 500 ou 800 médiums, un énorme travail de guérison et d’aide spirituelle est effectué chaque jour au travers des rituels. Les psychologues et les psychiatres quelquefois n’hésitent pas à travailler avec les centres car la dimension spirituelle, qui est présente partout, est automatiquement abordée dans une consultation.
Décrite de cette manière, on pourrait se demander si l’Umbanda, ne concerne pas exclusivement le phénomène brésilien. Mais l’Umbanda est née de traditions millénaires qui ont survécues au déracinement et à la souffrance des peuples et, de part son syncrétisme, elle réunit la philosophie et les traditions de plusieurs mondes.
La pratique de l’Umbanda est régie par des valeurs et un code ritualistique qui nous viennent d’une tradition transmise oralement au travers de l’initiation. Elle véhicule une sagesse et une connaissance qui nous viennent de la nuit des temps et qui, par conséquent, sont universelles dans leur essence.
C’est une tradition chamanique parce qu’elle relie l’Homme à une dimension invisible, à la Nature, à la vie au travers de laquelle il est peut découvrir la Lumière de Dieu.
Le chamanisme d’Amérique du Nord fait, depuis quelques années, son apparition en France, grâce à l’enseignement proposé par divers instructeurs. Quels sont les liens qui relient les traditions chamaniques d’Amérique du Sud et d’Amérique du Nord, et, d’une manière générale, quel est le fondement commun à toutes les traditions chamaniques planétaires ?
L’utilisation du terme « chamanisme » pour décrire les pratiques des traditions proches de la Nature est probablement erroné. Le mot « chaman » apparaît dans les cultures traditionnelles nomades du Nord tels que les Inuits, les Mongoles. Le chamanisme proprement dit s’étend éventuellement jusque dans les cultures indigènes d’Amérique du Nord, les indigènes d’Amérique centrale, déjà plus sédentaires, pratiquant un autre culte qui a probablement reçu l’influence d’autres traditions très anciennes. Mais on parle aussi de chamanisme pour décrire, par exemple, les cultes anciens du Tibet, certains cultes africains et les cultes indigènes d’Amérique du Sud. Ainsi il y a eu une vulgarisation du terme « chamanisme » pour englober certaines pratiques et une certaine vision de l’Homme dans l’Univers.
Traditionnellement le chaman est celui qui « voit », il a la faculté de voyager dans les trois mondes et de négocier avec les forces de l’invisible une meilleure vie sur terre pour son peuple. Il est plutôt « Homme médecine » que prêtre ce qui nous enseigne déjà quelque chose sur la manière dont les sociétés traditionnelles appréhendent l’Univers. En effet la » médecine », dans ces cultures, est d’emblée spirituelle.
Le chaman va « voyager » dans les autres mondes à la rencontre des Forces qui pourraient guérir, protéger ou rééquilibrer l’Homme en lui révélant qui il est en réalité.
L’utilisation du tambour, des rythmes, du chant et de la danse ou de drogues pour atteindre l’état de transe est caractéristique de ce qu’on appelle, au sens large, chamanisme car la transe ritualisée est le véhicule nécessaire pour contacter les Guides d’un autre plan, recevoir leur aide ou libérer une âme en souffrance. Ainsi ces cultures ont toutes développé des rituels qui invoquent l’aide des Esprits amenant l’Homme à communiquer avec l’invisible ou connaître les Forces spirituelles par l’état de transe.
Pourtant, ces différentes traditions ont chacune leur cosmogonie, leurs pratiques et leurs rituels témoignant d’une certaine interprétation que fait l’Homme des Lois qui régissent la manifestation du monde environnant. Une cosmogonie est avant tout une cartographie traduisant une certaine relation de l’Homme avec l’Universel qui le prédétermine, quant au rituel, il ne veut rien dire si on ne comprend pas la philosophie spirituelle qu’il véhicule. Ainsi ces sociétés, qui pratiquent ce qu’on appelle très librement, le chamanisme, ont en fait développé des philosophies spirituelles très différentes.
En fin de compte, on ne peut regrouper toutes ces traditions autour du chamanisme que si on parle du chamanisme comme un grand courant et non pas comme une pratique. Car dans ce sens seulement nous retrouvons certains fondements communs qui sont l’importance du contact avec l’invisible et du contact avec les Forces de la Nature dont l’Homme ferait partie d’une manière intrinsèque.
Ainsi la sagesse professée par ces traditions est toujours celle d’une joie simple d’harmonie et de révérence à la terre et à la vie puisqu’elle est la manifestation du Principe Créateur.
Nous pouvons retrouver cette philosophie dans beaucoup de traditions anciennes. Elle fait partie de nos racines et dans son développement actuel nous amène à de grandes retrouvailles avec des pratiques anciennes. Ces traditions, transmises oralement, sont restées vivantes dans certains pays plus que d’autres, le Brésil par exemple.
L’Umbanda peut donc être assimilée à une tradition chamanique à cause de la place qu’occupe la relation à l’invisible et le travail ritualisé avec les forces énergétiques de la Nature. Mais l’apport du christianisme transforme profondément l’intention philosophique de la tradition. La théorie d’évolution de la Conscience, permettant à l’âme des retrouvailles avec la Lumière, en change profondément l’objectif philosophique qui est une proposition d’évolution spirituelle et de transformation.
Les valeurs spirituelles promues sont avant tout la charité et la compassion.
La structure ritualistique est aussi profondément différente dues aux autres influences, africaines et kardécistes, qui font aussi partie du syncrétisme de l’Umbanda. L’ambiance des rituels de « gira », pendant lesquels les médiums incorporent des Entités d’un autre plan venant travailler sur terre, fait souvent penser à celle d’un village africain en pleine animation.
Toute tradition nous ouvre un chemin et une possibilité de transformation. L’importance dans l’Umbanda de l’enseignement ésotérique sur les quatre éléments et sur la transmutation de la matière met la question de la transformation et l’évolution de l’âme au premier plan.
Le Feu est une essence capable de mettre en mouvement et de transformer les différentes réalités, la flamme de la philosophie est la grande essence capable de transformer l’Homme. Chaque tradition accorde une place particulière au Feu transformateur en accord avec sa philosophie. Dans l’Umbanda ces connaissances sont profondément ancrées dans la tradition africaine dont elle a adopté la cosmogonie des Orixas.
D’une manière beaucoup plus large on pourrait dire que certaines traditions, dont le chamanisme sans doute, dont l’Umbanda, font référence au Principe Féminin de mise en mouvement des Mondes, comme une Force nécessaire et bonne qui permettrait l’avènement de la Conscience au travers de l’expérience de la Vie et que sans cette expérience il n’est pas possible de connaître la Lumière, c’est à dire Dieu.
Comment s’intègre la tradition chamanique de l’Umbanda à votre pratique clinique de psychologue et psychothérapeute ?
Travailler comme psychiatre, psychologue ou thérapeute nous oblige à une certaine humilité car il est difficile, en fait, de savoir pourquoi une personne va effectivement guérir. En fait, la notion de guérison est très subjective. Elle est définie le plus souvent par la structure socioculturelle à laquelle nous appartenons. Mais le thérapeute aussi peut en délimiter l’horizon.
A cause de mon cheminement personnel, sans doute, je me suis retrouvée à oser chercher la guérison des personnes avec lesquelles je travaillais au-delà de tout système de compensation, comme les médicaments par exemple. Dans ces conditions, on est obligé d’aller interroger les fractures à l’origine même des systèmes de compensation que sont les déséquilibres psychologiques. Ces fractures nous renvoient à la question de l’irréparable et nous sollicitent, dans notre parcours, à l’endroit même de la relation que nous entretenons avec la vie.
Comment guérir ce qui a été brûlé par l’amertume, l’incohérence et la violence ? Comment guérir ce qui a été sclérosé par manque de relation véritable ?
Au delà de la réparation structurelle du moi il y a cette brisure plus profonde qui se manifeste par un impossible apaisement. L’être, qui a été profondément détruit au niveau de ses propres valeurs spirituelles, souffre sans relâche. C’est comme en quelque sorte une perte d’âme et la vie au fond n’a pas de sens outre celui du plaisir fugace de l’euphorie.
Un chemin spirituel nous fait évoluer mais il ne nous amène pas forcément à réparer ce qui est de l’ordre de l’incarnation, c’est à dire les fractures. Souvent il nous propose la transcendance avant même de goûter à la réparation terrestre de la vie, ainsi les fractures restent. Toutes les traditions qui relient à nouveau l’Homme à la Nature lui permettent de retrouver dans la vie même le projet d’une réparation de son être et ainsi de rencontrer, au travers de son cheminement sur terre, le fondement de sa quête.
L’expérience de la transe a guidé mon cheminement et elle est aussi une étape dans celui de mes patients. Cette expérience permet de rencontrer une référence autre, au-delà des perspectives proposées par le moi. Elle nous confronte au travail nécessaire du lâcher-prise qui nous reconnecte avec le courant énergétique de la vie en défaisant, pour quelques brefs instants, les cristallisations dues à nos constructions mentales. L’effacement du moi, caractéristique de l’état de transe, ouvre la conscience à une autre perception, à d’autres niveaux de conscience comme on dit. Ainsi, un travail évolutif avec la transe nous amène, avec chaque remise en question du moi, à intégrer la force de certaines valeurs spirituelles, créant une référence autre à l’endroit même où l’être s’est structuré dans la compensation. Le monde change car les valeurs intérieures changent et une perspective d’évolution verticale, permettant peut-être la réparation des fractures psychiques, vient remplacer l’obsession des solutions horizontales. C’est un chemin long parfois, et difficile à cause du dépouillement nécessaire, mais c’est possible. La manifestation, dans la transe, de la vie telle qu’elle est en nous, intacte finalement malgré ces fractures, nous permet de comprendre le miracle de la vie qui, à l’endroit du manque le plus cruel, nous enseigne comment accéder à la Lumière. Ainsi même les fractures psychiques les plus graves finissent par avoir un sens puisqu’elles raccordent l’être au processus évolutif de l’Homme.
Ma rencontre avec l’Umbanda, qui est un chemin spirituel profondément ancré dans une discipline et une tradition, a influencé profondément ma pratique et ma compréhension de la transe. Les maîtres et les guides des différentes traditions n’aiment pas qu’on utilise la transe dans un cadre thérapeutique car ils estiment que sans le rituel cette expérience perd sa dimension initiatique et devient donc dangereuse, aussi dangereuse que la drogue. Ainsi j’ai intégré à ma pratique de la transe ce que l’Umbanda enseigne sur l’évolution de l’Homme, entre autre, la nécessité de contacter, au–delà de l’expérience énergétique, des références autres.
Le travail avec les Forces de la Nature, ou Orixas, ouvre à l’expérience des valeurs spirituelles véhiculées par ces énergies de la Nature et permet une reconstruction et un rééquilibrage de l’être au niveau des fractures. Ainsi ma conception même de la guérison et de l’évolution au sein du processus thérapeutique s’est élargie pour inclure forcément la dimension spirituelle même si je parle peu de spiritualité dans mon travail. Cette dimension spirituelle, que je tire de l’enseignement de l’Umbanda, est en fait une théorie de l’évolution et du mouvement énergétique au travers de la rencontre de l’Homme avec son essence.
Le chamanisme peut être pour certains un chemin de pouvoir car il peut répondre au vœu de chacun d’entre nous de devenir guérisseur pour trouver les clefs de l’apaisement de la souffrance. Mais l’enfer est toujours intérieur. C’est le résultat de nos déséquilibres. Un chemin spirituel nous enseigne comment grandir au travers de cette grande épreuve terrestre de transformation. Il nous donne une autre dimension, nous inscrivant dans des cycles plus larges, d’autres vies et d’autres cheminements. Ainsi il nous inscrit dans une responsabilité. Sans responsabilité il ne peut pas y avoir de transformation. La responsabilité est aussi un enjeu important dans le processus thérapeutique. L’Homme est éminemment responsable du projet qu’il fait de sa propre guérison et de ses rêves. En fin de compte, la seule guérison véritable est de permettre à l’autre de vivre son chemin, quel qu’il soit, et cela peut être aussi la maladie.
Si le chemin de l’Homme suit une trame qui nous échappe, si on admet même qu’il obéit à un projet spirituel antécédent la manifestation sur terre, on doit apprendre à travailler avec ce mystère dans le respect des Forces supérieures. Il ne nous appartient pas de manipuler l’énergie, à moins qu’on sache se soumettre à une logique spirituelle qui nous dépasse. Dans le cas contraire on pourrait accumuler sur soi la responsabilité des équilibres apparents, ou des déséquilibres, que nous avons crées. Ainsi, grâce à l’Umbanda, j’ai appris à structurer le travail énergétique et à travailler avec des Guides de manière plus stricte dans le but simplement d’amener une référence autre, ou la vision d’un possible accessible au sein d’un certain espace de travail. Jj’ai toujours l’espoir qu’en inter-agissant seulement avec certains paramètres il apparaîtra un vide où la personne va trouver sa propre dynamique de renaissance.
Une Entité disait un jour que la magie de la navigation de l’Homme sur Terre se situe dans le fait que l’Homme veut aller à un certain endroit mais va se retrouver à un autre. Ce qui veut dire que la manifestation du chemin spirituel se situe dans l’écart entre ces deux points.
Pensez-vous que les pratiques spirituelles et thérapeutiques inspirées par une culture telle que la culture Sud-américaine soient directement applicables aux mentalités occidentales du type de celles observées en France ?
Chaque culture, chaque tradition est la manifestation d’une certaine Conscience développée par l’Homme. Chacune d’entre elles véhicule des valeurs spirituelles, une certaine compréhension de l’Univers et de la Création. Ainsi on peut dire que chaque culture, chaque tradition témoigne d’une certaine perception de la Lumière dont elle est finalement la manifestation qualitative. Une culture, une tradition n’est en fin de compte qu’un langage, symbole d’un certain parcours humain, une sommation d’expériences humaines dans un environnement naturel particulier.
Si on accepte profondément la manifestation des différences, en évitant les antagonismes, on voit ce qui est commun et donc universel. On peut essayer d’intégrer une tradition au niveau de la manifestation et du langage uniquement ou on peut se relier au plan universel.
La Lumière est Une, elle n’a ni polarité, ni dualité, mais l’expérience, c’est à dire l’énergie si. Les différences culturelles, religieuses ne sont que des différences de manifestations, différentes qualités données à la Lumière au travers de l’expérience humaine. Ces différences ont un sens puisqu’elles parlent d’un héritage et d’une implantation. Elles sont les différentes Consciences récoltées par l’Homme au cours de son voyage cyclique sur terre. Elles sont importantes car elles définissent l’identité d’un peuple, un inconscient collectif, une dynamique philosophique et une conquête de la Conscience.
Une tradition qui aurait perdu le contact avec la Lumière fonctionnerait avec des dogmes et des rituels vides. Une tradition spirituelle, dans l’expression même de sa différence, transmet la dimension horizontale de l’expérience humaine et la dimension verticale universelle et ésotérique. Ces deux axes sont l’essence du processus de transformation de l’Homme à travers l’énergie et se rencontrent en un point qui représente le chemin spirituel de l’Homme dans une tradition donnée.
Aujourd’hui une personne peut choisir de suivre une tradition plutôt qu’une autre. Elle fait ce choix à cause de certaines affinités culturelles ou à cause de quelque chose qui nous dépasse et qui vibre pour elle au niveau du cœur parce qu’elle arrive à se relier, au travers de cette tradition là, à la dimension universelle.
En dehors du fait que les traditions Sud-américaines sont enracinées dans le christianisme venu d’Europe, elles réactualisent grâce à l’héritage africain et indien, une philosophie très ancienne, qui existait un peu partout sur terre et qui sacralisait au travers du lien à la terre, le Principe Féminin. Elles nous parlent donc, au niveau de la forme, de cet endroit là. Par ailleurs, elles véhiculent forcément, comme toute tradition, une dimension ésotérique universelle à laquelle, par conséquent, n’importe quelle personne peut être sensible.
L’Umbanda est tradition simple en apparence, qui s’adresse aux démunis, matériellement ou spirituellement. On s’y relie par le cœur, par la vibration, par la danse, par le rythme. Chaque rythme est en fait une variante du battement du cœur, manifestation physique d’une pulsation universelle. La danse permet ainsi à l’âme de s’éveiller dans le cœur et dans le corps car, ritualistiquement parlant, quand on danse dans l’Umbanda, on danse une Philosophie.
De votre point de vue quels sont les apports et limites de la psychologie contemporaine ?
Le développement scientifique du champ de la psychologie a élaboré d’autres outils et une nouvelle théorisation pour aborder la souffrance de l’Homme. On pourrait dire que le concept même de « psyché » a trouvé un nouveau sens. Mais n’oublions pas que les concepts et les interprétations sont reliés à un mouvement dans le temps et à une réalité socioculturelle.
Etymologiquement le mot « psyché » veut dire âme. Quant à la philosophie elle définit la « psyché » ainsi : « l’ensemble des phénomènes psychiques considérés comme formant l’unité personnelle ».
En devenant scientifique, en éliminant la dimension spirituelle, l’étude de la psyché a apporté des outils de compréhension et de soins extraordinaires tout en laissant de côté la question de l’âme et peut-être aussi celle de son évolution.
De même, si on suit la définition que nous donne la philosophie, la psychologie semble être restée au niveau des phénomènes, c’est à dire des mécanismes, évitant la question de la nature de « l’unité ». La psychologie a le plus souvent une visée adaptative, ou ré adaptative, et ne pose pas intégralement la question du sens évolutif que pourrait avoir telle ou telle souffrance psychique, ou somatique, pour l’être.
Ainsi nous pouvons déjà dire que l’abord scientifique de la psyché a énormément valorisé la rationalité, l’explication et les associations de causes et d’effets, donnant à l’élaboration de la pensée, à l’analyse, une importance qui conduit le plus souvent à un surinvestissement du mental.
Parallèlement l’étude systématique des effets des déséquilibres, des symptômes, a conduit à définir ceux-ci comme des maladies plutôt qu’une souffrance de l’être. Il s’ensuit souvent une déresponsabilisation de la personne face au déséquilibre spirituel, c’est à dire évolutif, qu’elle entretient. En effet quand la souffrance devient une maladie, elle cesse souvent d’être un questionnement. Par ailleurs la notion de santé psychique finit par véhiculer des valeurs adaptatives qui ne peuvent que scléroser la créativité transformatrice de l’être.
Le concept de guérison est sans doute central à notre réflexion car il délimite la perspective que nous avons du bien-être. Il donne en quelque sorte une trajectoire à nos aspirations.
Quand nous abordons le concept de guérison du point de vue psychologique nous nous retrouvons immédiatement autour d’une théorisation sur la santé du moi et, éventuellement, sur sa relation à l’inconscient. Nous installons ainsi une limite qui ferait de la guérison une interrelation qualitative avec la réalité socioculturelle et le monde perceptible. Mais, si la santé du moi définit la guérison, alors qu’en est-il de l’être ? Qu’en est-il de cette quête indéfinie de l’Homme qui, à force d’être niée, va s’étourdir de leurres et de passions par peur de la remise en question du vide et de la mort? La santé du moi ne peut pas résumer la guérison même si elle est bien souvent une nécessité prioritaire. La guérison est sans doute quelque chose qui nous échappe continuellement à moins de la définir par la joie du questionnement et du lâcher prise. En effet, au-delà de l’interrelation horizontale du moi avec la réalité perceptible, il y a une évolution verticale et spirituelle qui ne peut advenir qu’à l’endroit du lâcher prise et du doute. S’il existe, chez la personne, cette dynamique du lâcher prise, le moi se verra contraint de perdre la direction des choses au bénéfice d’une conscience plus intérieure qui ne cessera de le remettre en question. Le moi disparaissant, l’être devient conscient et peut ainsi, au travers de cette manifestation même, concrétiser une évolution, une réparation plus profonde, en restructurant la nouvelle émergence du moi dans sa fonction horizontale.
Quand il y a désinvestissement du moi comme siège du « Je » et une interrelation structurante avec d’autres états de conscience de l’être, une évolution plus verticale vers une guérison plus authentique va se mettre en place au travers de l’investissement de la Conscience. Ainsi, en élargissant le concept de guérison à une dimension spirituelle, verticale, nous nous ouvrons à une autre dimension évolutive qui s’adresse à l’être lui-même et nous tire toujours plus loin vers une autre conquête intérieure, vers « l’unité ».
En fait, si la psychologie nous permet d’élaborer une réalité psychique, le chemin spirituel nous amène à un endroit de solitude nécessaire et de responsabilité qui nous ouvre à la possibilité d’en faire quelque chose pour finalement découvrir l’apaisement véritable et la joie consécutive. L’apaisement est la seule expression de la guérison, elle définit l’être tout en traçant le labyrinthe de sa quête car la recherche de l’apaisement, très différente de la recherche de plaisir, sollicite toutes les dimensions de l’être et évolue avec celui-ci. L’apaisement est la manifestation d’une intégrité retrouvée et d’une justesse.
Plus simplement nous pourrions dire que le chemin spirituel nous amène à transformer en conscience, et finalement en joie, cette réalité intérieure, quelquefois torride, que la psychologie nous fait découvrir. Ou alors, pour aimer sourire, allons-nous rester dépendants, prisonniers, d’un quelconque apport extérieur, au risque de passer à côté de notre propre vie en nous étourdissant d’une succession de stimulus plus ou moins satisfaisants ?
Si la Conscience est le véhicule qui permet de manifester l’expression de la Beauté, si notre condition d’être humain est de faire émerger la Conscience des forces brutes qui nous animent nous devons nous poser la question de la relation véritable que nous entretenons avec la force vitale et avec la vie ? C’est une question psychologique mais c’est aussi une question spirituelle et surtout une question de choix. La Nature nous pousse toujours plus loin, mettant en échec l’extraordinaire intelligence d’organisation et de réflexion qui permet à l’Homme de trouver des solutions immédiates aux problèmes qu’il rencontre. Néanmoins s’il ne s’interroge pas sur la relation qu’il entretient avec la nature de la Vie et sur le sens de son passage sur terre il ne pourra utiliser cette extraordinaire intelligence qu’à élaborer des solutions illusoires menant une guerre inutile contre la maladie et la mort sans jamais accéder à la compréhension profonde de la souffrance.
Nous vous remercions du temps que vous nous avez consacré pour cet entretien. Avez-vous un message que vous souhaiteriez transmettre aux lecteurs du Net-Journal Essence ?
Le questionnement d’une personne sur elle-même, sur le sens de son passage sur terre fait fondamentalement partie d’une évolution vers la santé. Ce questionnement peut être généré par une souffrance, des difficultés, qui vont permettre à la personne de sortir d’une inconscience. Ainsi la souffrance peut être une porte. Elle contient une vérité sur nous-même et trace le chemin que nous avons à parcourir, la transformation que nous avons à conquérir. Derrière toute les difficultés, toutes les souffrances, il y a une dimension spirituelle, une dimension de l’âme. Si nous regardons les choses sous cet angle, nous allons créer d'autres références, travailler autrement, et permettre à la personne de guérir, de s’apaiser, en revenant à sa propre dynamique d’évolution.
La spiritualité est la richesse récoltée en cheminant avec les enseignements des diverses religions ou disciplines. Peut–être n’est-il même pas nécessaire d’adhérer à tel ou tel chemin pour y accéder ? Peut-être nous suffit-il de méditer ou de communier avec la Nature pour être guidé ? Néanmoins cette quête est fondamentale et fait partie du processus de guérison de l'être.
Je voudrais aussi remercier Net-Journal Essence de son intérêt et de ses questions. J’espère avoir contribué, un tant soit peu, à une démarche d’écoute, de tolérance et de compréhension