Bio

 J’ai rencontré la transe au cours de ma thérapie. La Transe Terpsichore Thérapie était utilisée pour libérer et décharger le corps et faire parler les émotions. Mais au-delà de cette catharsis bien salutaire j’ai « vu » autre chose : un vitrail d’icônes avec au centre, un vide de lumière. C’était une image très précise, numineuse dirait C.G. Jung. La spiritualité était alors un monde inconnu, même incongru. Néanmoins j’ai su que l’exploration de la transe serait pour moi un chemin de vie et une épreuve de vérité. Le travail du corps, la réalité des sensations et des émotions m’avait déjà ramenée à moi-même, mais la transe, le corps en transe, ouvraient un horizon d’expérience.

 Etant née aux Etats-Unis j’ai pu me former là-bas aux thérapies à médiation corporelles. C’était les années 70 et 80, le foisonnement des techniques corporelles était à la fois provocateur et enthousiaste, les expériences extrêmement fortes. Ayant moi-même souffert de la dépendance, alcoolisme et boulimie, j’ai exploré les idées et les thérapies développées outre Atlantique. Poursuivant mes études de psychologue clinicienne à Paris VII, j’ai écrit mon mémoire de maîtrise sur ce sujet et celui de D.E.S.S. sur la place du corps. Puis, j’ai été conviée à participer aux premiers travaux du G.E.F.A.B. (groupe d’études français sur l’anorexie et la boulimie) et à me joindre à l’équipe de la M.G.E.N.. Je me suis donc spécialisée dans le traitement de la dépendance mais en m’appuyant sur mes propres théories : le groupe, la relation au corps, la transe. En effet les réponses apportées me semblaient bien superficielles, adaptatives, ne résolvant parfois qu’à peu près le symptôme.

 Le combat quotidien auprès de ces personnes, mes quelques années de travail à l’hôpital psychiatrique, ma propre expérience personnelle avec un père alcoolique et une mère souffrant de schizophrénie paranoïde, hospitalisée plusieurs fois et détruite, ont ancré finalement en moi une révolte contre ce que je considère être la prescription abusive des médicaments. Il devait y avoir d’autres réponses. Mon premier livre « La Boulimie, un suicide qui ne dit pas son nom » édité chez De Boeck en 2002 » résume ce point de vue en évoquant la travail de transe et en posant l’importance d’une quête spirituelle personnelle.

 Il aurait été plus facile de suivre un chemin de psychologue traditionnel, la voie institutionnelle était toute tracée. Mais la transe m’a amenée toujours plus loin, la vision, l’extase, le rituel. Mes recherches aux Etats-Unis se sont tournées peu à peu vers la pratique des rituels amérindiens et le voyage chamanique. Certains, comme la « quête de vision » et ma première « Swet Lodge », ont été réellement fondateurs car le monde invisible y a fait incontestablement irruption. J’ai pu « voir » vraiment et entendre. Je ne pouvais plus douter d’être accompagnée, c’est un cadeau extraordinaire que j’aimerais rendre possible à d’autres.

 Lors de ma première « Swet Lodge », j’ai été emportée au-delà des sensations. L’air était frais sur ma peau alors que d’autres souffraient et j’ai donc tenté de leur expliquer que cette chaleur, l’étouffement, n’étaient qu’illusion. J’ai compris alors le message de certaines doctrines bouddhistes. Lors de l’ouverture de la porte, l’expérience orgasmique du retour au monde a été un autre enseignement. Dionysos a toujours été mon mentor puisqu’il est la transe, mais je ne savais pas à quel point son initiation se résume à un cri d’extase honorant la vie.

 Et puis il y a eu l’Afrique. Moi qui affirmait que la transe était déclenchée forcément par un travail du corps, la respiration, la danse, je me suis vue emportée au cours d’un rituel de Ndoëp en quelques secondes, juste en étant debout. Après assise sur un fauteuil par les guérisseuses, les gens venaient me toucher car, pour eux, j’avais été touchée par les dieux. Moi, je n’ai rien compris mais je me sentais apaisée en profondeur et mes épaules avaient pu se relâcher enfin jusqu’à descendre d’au moins de deux centimètres ! Que dire de cet état de profond bien être ? Comment ne pas l’opposer à nos thérapies si longues et douloureuses ? Je ne pouvais pas nier que quelque chose d’extérieur avait déclenché cette transe. Hystérie ? Ouverture personnelle et affinité de l’âme ? Je me suis posée toutes ces questions et je n’hésite pas à me les poser encore. Mais cela n’explique en rien la guérison opérée par ces quelques minutes de transe. Ma formation de psychologue jungienne s’avérait quelque peu en porte à faux avec tout ça et je me suis vue obligée de choisir, à mes risques et périls.

 En effet, cette expérience m’a poussée vers d’autres recherches : l’invisible, les autres dimensions, la pratique du chamanisme, l’invocation des forces de la nature appelés orixas au Brésil. J’ai donc pratiqué le « channeling » et amené cette dimension à mes séminaires en piscine. J’ai aussi travaillé comme apprenti auprès d’un Lama guérisseur pendant deux ans. Et puis il y a eu le Brésil, terre d’origine de ma mère. J’ai découvert des petites congrégations œuvrant comme « médecins spirituels » chacune à leur manière, utilisant l’énergie spirituelle pour apporter aux plus défavorisés quelques soins. J’ai vue des opérations, réussies, faites à main nue et sans douleur. J’ai pu m’approcher et sentir cette vibration d’extase qui enlève toute douleur et guérit. Je voulais comprendre, je voulais savoir, moi qui me retrouvait si impuissante parfois face à mes patients dépendants, torturés, suicidaires. J’ai découvert les cérémonies d’Umbanda où la transe d’incorporation emportait le médium « chevauché » dans une communion totale avec une force vibratoire, entité spirituelle ou orixa. Il se mettait alors à parler, à donner des consultations en quelque sorte, et à apporter des soins. J’ai vu des séances de « transports », ce que nous décririons comme de l’exorcisme, et j’ai voulu apprendre pour rapporter cette médecine là à ma pratique. J’ai été bien naïve !

 Les différences de positionnement et de cadre entre la thérapie et le culte rituel ont soulevé plus de problèmes et d’incompréhension que les différences culturelles. Les attaques qui s’en sont suivies, la décision de quitter l’institution ont été une véritable épreuve initiatique. Mais j’ai fait ce choix là et ces difficultés m’ont amené à réfléchir sur comment transposer pour la thérapie toutes ces connaissances sur la transe et sur les forces de la nature.

 Ma pratique spirituelle en tant que coordinatrice d’un temple brésilien d’Umbanda à Paris furent vingt années d’engagement et de travail consciencieux, un apprentissage rigoureux de l’incorporation et du rituel. J’ai reçu les initiations au Brésil et c’est au Brésil effectivement que j’ai rencontré la nature comme une religion ésotérique et un chemin spirituel. C’est auprès du temple Guaracy que j’ai appris à cheminer dans le monde inférieur au nom des valeurs sacrées d’une évolution de l’âme et que j’ai appris à danser la ronde des orixas, forces brutes de la nature.

 En quittant cette institution il me restait à faire une synthèse de toute cette histoire et surtout à oser m’en remettre à la transe. La nature est là pour nous enseigner et nous offrir révélation et guérison. Danser avec elle, danser la transe et communier avec les forces de la nature, « voir » et aller puiser à l’intérieur de soi-même la sagesse sont des actes de libération. Mon livre « Transe et thérapie, sur les traces de Dionysos » est la somme de toute cette épopée mais aussi une traduction en psychologie d’un message millénaire qui va bien au-delà car il nous ramène à la nature de la vie. Il a été écrit pour honorer la transe, elle m’a permis de faire un grand voyage et curieusement de revenir à la terre, d’apprendre à aimer la terre et à guérir la haine. Ma pratique aujourd’hui est toujours aussi dédiée à la transe mais aussi aux expériences dans la nature, un espace d’exploration que j’appelle « voie chamanique – une psychologie de la nature » permettant à tout à chacun d’ouvrir son cœur à d’autres dimensions, de « voir » et d’ « entendre ».